Vie quotidienne dans un van aménagé : ce qu’on ne vous dit pas

Derrière les couchers de soleil et les routes sans fin, la vie en van cache une réalité bien plus exigeante qu’on l’imagine.

Plus d’un Français sur trois se disait tenté par la vanlife en 2022, selon une étude menée par Ford. Sur Instagram, l’hashtag #vanlife aligne les vues par millions. Et sur le terrain, la tendance est bien là : en France, les immatriculations de vans aménagés ont doublé entre 2017 et 2023. Fini le camping-car de retraité. Place aux jeunes actifs, aux familles mobiles, aux digital nomads qui télétravaillent les pieds dans le sable.

Mais entre l’image fantasmée et le quotidien sur la route, l’écart est parfois rude. J’ai une amie qui s’est lancée dans cette aventure récemment. Et très vite, entre l’aménagement de van sur mesure, les galères mécaniques, la gestion de l’eau ou des batteries, le rêve a pris une tournure bien plus terre à terre. Cela m’a rappelé deux témoignages vidéo qui m’avaient déjà marqué l’année dernière : celui de Léa Caracol et celui du duo québécois Prêts pour la Route. À eux deux, ils dressent un tableau lucide, souvent touchant. Voici ce qu’on ne vous dit pas assez sur la vanlife.

Un bon aménagement ne fait pas tout, mais il change tout

C’est une règle de base en vanlife : si l’intérieur est mal pensé, la galère est quotidienne. Chaque centimètre compte. Et chaque oubli finit par coûter cher, en énergie comme en humeur.

Léa, qui voyage avec un enfant, ne le cache pas : « Le moindre truc qu’on laisse traîner devient un gros boxon. » Et ce « boxon », dans un espace de quelques mètres carrés, devient vite invivable. Il faut tout plier, tout sécuriser, tout ranger en permanence. Et quand vient le soir, pas question de s’écrouler dans un vrai canapé. C’est banquette, couette à sortir, lit à remettre en place, puis vaisselle et nettoyage… tous les jours.

Ce qui fatigue, ce n’est pas un détail isolé, c’est leur accumulation. Une fuite à réparer, une lumière qui clignote, un tiroir qui coince… Et toujours cette obligation d’adapter ses gestes au lieu. Pas de place pour l’impro. Même les moments de repos nécessitent une organisation millimétrée. Alors oui, un bon aménagement rend les choses plus simples. Mais il ne gomme pas la répétition ni l’usure mentale.

La liberté a ses limites

C’est l’un des plus grands fantasmes de la vanlife : la liberté. Partir quand on veut, dormir où on veut, s’arrêter sur un coup de tête. Mais dans les faits, cette liberté se heurte rapidement à la réglementation… et au monde réel.

Prêts pour la Route le résume très bien : « Ce n’est plus vrai qu’on peut camper partout gratuitement, surtout au bord de l’eau. » Les applications qui recensent les bons spots comme Park4Night ont aussi contribué à leur saturation. Et comme partout, quelques-uns suffisent à pourrir l’ambiance : déchets, nuisances, irrespect. Résultat, des interdictions fleurissent, les parkings se ferment, et la simple idée de “se poser” devient un casse-tête quotidien.

Quant à ce sentiment de “chez soi partout”, il ne tient pas toujours. Dormir sur un parking de supermarché ou collé à d’autres vans dans un camping bondé, ce n’est pas exactement la définition du cocon. Léa en parle aussi à sa manière : le van, c’est chez soi… sauf quand on n’a plus aucun espace personnel.

La vie au grand air en van aménagé

Non, vivre en van n’est pas des vacances à durée indéterminée

Quitter son appart, retaper un fourgon, tracer la route : sur le papier, tout respire la liberté. Et pendant les premières semaines, c’est souvent grisant. Mais très vite, la vie de tous les jours reprend le dessus. Car vivre sur la route, ce n’est pas suspendre le réel : c’est simplement le transporter avec soi.

Léa Caracol, qui parcourt l’Europe avec son compagnon et leur fille de deux ans, l’a vécu de plein fouet. « Je pensais qu’on allait être tout le temps dans le kiff. En fait, ce n’est pas des vacances », confie-t-elle. Et pour cause : chaque jour, il faut planifier l’étape suivante, faire les courses, vider les toilettes sèches, chercher un endroit où dormir légalement, vérifier les niveaux d’eau et d’électricité, tout en jonglant avec le rythme d’un enfant en bas âge.

Le van ne supprime pas la charge mentale : il la compacte. Et quand la fatigue s’accumule, la route ne suffit plus à faire oublier le quotidien. Léa raconte ce déclic après une pause dans un Airbnb à Porto : « Je me suis pris une tarte. Je ne réalisais pas à quel point j’étais tendue. » L’eau illimitée, l’espace, un canapé… autant de détails oubliés qui redeviennent des privilèges.

Le confort, un luxe qu’on réapprend à apprécier

Quand on rêve de vanlife, on s’imagine un intérieur cosy, des lumières tamisées, une nuit paisible bercée par le bruit des vagues. En vrai, le confort reste sommaire, même dans un van bien aménagé. Et il suffit d’un détail pour que tout se complique : un chauffage en panne, une bouteille de gaz vide, une nuit en pente, une fuite à réparer.

Dans ses vidéos, Léa Caracol évoque avec lucidité cette fatigue du petit espace. « Tout ce qu’on laisse traîner devient un obstacle. Il faut ranger en permanence, nettoyer, anticiper. » Parce que chaque centimètre compte, chaque geste demande plus d’effort que dans un appartement. Et quand il pleut plusieurs jours d’affilée, on tourne en rond dans une boîte de 6 m².

Ce que souligne aussi le youtubeur Prêts pour la Route, c’est qu’on sous-estime souvent ce qu’on laisse derrière soi : une douche chaude quand on veut, une machine à laver, un vrai lit, un frigo taille normale, une pièce pour s’isoler. Autant de petits luxes du quotidien qu’on oublie… jusqu’à ce qu’ils nous manquent cruellement.

L’hygiène, cette galère sous-estimée

Sur les vidéos, on voit des vanlifers prendre leur douche en pleine nature, cheveux au vent et soleil couchant. Dans la vraie vie ? Ce serait plutôt : “Tu prends combien de litres aujourd’hui ?”, “C’est à toi de vider les toilettes ?”, ou “On attend demain pour se laver ?”

Léa parle d’un vrai soulagement lors de son passage dans un logement classique. Prendre une vraie douche, avec de l’eau chaude illimitée, ne pas réfléchir à la vaisselle, ne pas faire la lessive dans un lavabo minuscule. Une pause qui lui a permis de souffler – littéralement.

De son côté, Prêts pour la Route insiste aussi sur cet aspect qu’on oublie facilement : l’eau n’est pas un acquis. Il faut remplir les cuves, chercher des points de ravitaillement, gérer les eaux usées, et faire attention à chaque geste. Sans parler de la lessive, qui devient une expédition. L’hygiène en van, c’est une série de micro-défis. Et plus les semaines passent, plus le manque de confort se fait sentir.

Les galères mécaniques font partie de la vie en van

Acheter un van, c’est un peu comme signer un contrat avec l’imprévu. Que le véhicule soit flambant neuf ou déjà rodé, les pépins techniques ne sont pas une option, mais une certitude.

Prêts pour la Route est clair là-dessus : « Même un véhicule neuf a toujours des trucs à réparer. » Et il parle d’expérience. Une maison qui roule, ça encaisse des vibrations, des chocs, de l’humidité, des routes cabossées… Ce n’est pas fait pour durer sans rien casser. Une pompe qui lâche, une infiltration, une serrure qui bloque, un câble mal fixé : il faut apprendre à bricoler ou trouver un garage – pas toujours simple quand on voyage loin des villes.

Léa évoque aussi ces petits riens qui s’accumulent et grignotent l’énergie. Une fuite à surveiller, une réparation à improviser, une batterie qui fait des siennes… Et pendant ce temps, la vie continue : l’enfant s’impatiente, la vaisselle s’accumule, et le spot qu’on convoitait est déjà pris. Le problème, ce n’est pas seulement ce qui casse. C’est le moment où ça casse.

La vanlife, pas si économique qu’on le pense

On entend souvent que vivre en van coûte moins cher. Moins de loyer, moins de factures, moins d’objets inutiles. Sur le papier, l’équation est séduisante. Dans la réalité, elle se complexifie vite.

D’abord, il y a le prix du véhicule. Et si on ne veut pas un fourgon prêt à rendre l’âme, l’investissement grimpe vite. À cela s’ajoute l’aménagement : lit, isolation, électricité, panneaux solaires, frigo, rangements… Même en DIY, l’addition peut surprendre. Et ensuite, il y a le carburant. Un van, ça consomme. Et sur de longues distances, l’essence devient vite le premier poste de dépense.

Sans oublier les assurances, les frais d’entretien, les péages, les traversées en ferry, les emplacements parfois payants pour la nuit ou pour vidanger les eaux usées. Et puis les coûts qu’on ne montre jamais sur les réseaux : le box qu’on loue pour stocker ses affaires ou ce logement qu’on garde « au cas où ».

Le youtubeur Prêts pour la Route le dit franchement : la vie en van n’est pas gratuite. Et croire qu’on vit pour trois fois rien est un mythe. La vraie question, c’est plutôt : est-ce qu’on est prêt à réorienter ses dépenses pour ce mode de vie ?

L’électricité, le nerf de la guerre

C’est peut-être le sujet le moins glamour de la vanlife… et pourtant l’un des plus importants. Sans énergie, tout devient plus compliqué : plus de lumière le soir, plus de frigo, plus de GPS, plus d’eau chaude. Et pour les télétravailleurs, plus de boulot.

Les batteries se rechargent grâce aux panneaux solaires, à l’alternateur en roulant, ou parfois en se branchant sur le réseau dans un camping. Mais il suffit de quelques jours sans soleil, d’une mauvaise orientation ou d’un stationnement prolongé pour que tout le système flanche. Et là, on redécouvre à quel point notre confort moderne repose sur un simple câble branché.

Léa Caracol ne l’évoque pas toujours frontalement, mais dans ses vidéos, on sent l’ajustement permanent aux limites du système électrique. Comme Prêts pour la Route le souligne : la vie en van, c’est aussi apprendre à gérer ses besoins en énergie heure par heure. Adapter ses usages, éteindre, recharger au bon moment, éviter les gros appareils. Bref, réapprendre la sobriété… non pas par conviction, mais par nécessité.

Sécurité : ce qu’on ne montre jamais

C’est un sujet rarement mis en avant sur les réseaux, mais bien réel sur la route. Vivre en van, c’est aussi accepter une certaine insécurité. Stationner dans des endroits inconnus, parfois isolés, sans savoir qui sera là la nuit venue. Ou au contraire, être collé à d’autres véhicules, sans vraiment savoir à qui on a affaire.

Léa l’évoque à demi-mot dans ses vidéos, mais beaucoup de vanlifers partagent ce ressenti : une vigilance constante. On dort avec un œil ouvert, surtout dans les grandes villes ou sur des spots un peu trop “parfaits”. Vols, intrusions, vitres brisées : ça arrive. Et quand toute sa vie tient dans un van, chaque alerte devient plus pesante.

Certaines familles choisissent même de rouler uniquement de jour ou de payer un emplacement sûr pour ne pas avoir à s’inquiéter. Le fantasme du bivouac sauvage, seul face aux étoiles, se confronte vite au réel : le monde n’est pas toujours un décor de carte postale. Il faut composer avec, et s’adapter — encore une fois.

Une aventure qui bouscule… mais qui marque

Vivre en van, ce n’est pas fuir la routine. C’est en recréer une nouvelle, plus brute, plus exigeante, parfois plus belle. La vanlife ne tient pas toutes ses promesses, mais elle en offre d’autres : des réveils face à l’océan, des rencontres inattendues, une autonomie qu’on ne soupçonnait pas, et ce sentiment unique de tracer sa propre route, au sens propre comme au figuré.

Ce mode de vie ne convient pas à tout le monde. Il fatigue, il remet en question, il force à se réinventer. Mais ceux qui l’ont vécu en reviennent rarement indifférents. Et s’ils en parlent avec autant de nuances, c’est sans doute parce qu’il faut gratter le vernis pour découvrir ce que la vanlife a vraiment à offrir : un autre rapport au monde, aux autres… et à soi.

Thibaut
A propos de l'auteur

Strasbourgeois amoureux de ma ville et papa de 2 petites filles, je suis aussi rédacteur pour plusieurs médias et auteur du livre 111 Lieux à Strasbourg à ne pas manquer (éditions Emons). Je partage avec vous mes découvertes dans le monde, incontournables ou insolites.

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